Quand la fatigue chronique s’invite après une maladie rare : comprendre l’invisible
- Sophie Cabreilhac
- 6 nov.
- 4 min de lecture
Cela faisait quelque temps que je n’avais pas publié, absorbée par un sujet à la fois intime et difficile. Aujourd’hui, j’ai choisi, en tant qu’aidante, mère et professionnelle, de prendre la parole sur cette réalité encore trop silencieuse.
Il est des maladies dont on parle peu, ou mal. Des syndromes que l’on peine à classer, à comprendre, à croire parfois. Le syndrome périodique de Marshall (ou PFAPA) fait partie de ces pathologies rares, à la croisée des mondes : auto-inflammatoire, orpheline, et souvent déroutante. Chez les enfants qui en sont atteints, les poussées de fièvre, les douleurs articulaires, la fatigue extrême viennent par vagues — puis disparaissent, comme si de rien n’était. Jusqu’à ce qu’un autre déséquilibre, hormonal ou immunitaire, vienne rallumer la flamme de l’inflammation.
Chez certains, ces déséquilibres prennent une tournure plus marquée encore : dérèglements hormonaux importants, cycles menstruels courts et abondants, jusqu’à provoquer une anémie sévère. Le corps, déjà éprouvé, semble ne plus savoir où puiser son énergie.
Lorsque la maladie semble enfin s’apaiser, on espère tourner la page. Mais parfois, une autre réalité s’installe : celle de la fatigue chronique.
Une fatigue qui n’est pas "de la fatigue"
Le mot fatigue est bien trop faible pour décrire ce que vivent les personnes atteintes de syndrome de fatigue chronique ou d’encéphalomyélite myalgique (EM/SFC). Ce n’est pas simplement être épuisé(e). La terminologie actuelle elle-même dessert les personnes qui en souffrent. C’est un corps qui ne se recharge plus, même après le repos. C’est une incapacité à tenir debout, à se concentrer, à participer à une vie scolaire, sociale ou familiale normale. Et lorsque cela touche un adolescent, la blessure est double : celle du corps et celle du regard des autres.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît depuis 1992 l’encéphalomyélite myalgique / syndrome de fatigue chronique (EM/SFC) comme une maladie neurologique à part entière (classification CIM-10 : G93.3).En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) rappelle également, dans ses recommandations, qu’il s’agit d’une pathologie réelle, invalidante, aux conséquences multiples, nécessitant une prise en charge adaptée et pluridisciplinaire.
Ces reconnaissances officielles sont essentielles : elles rappellent que cette maladie n’est pas une vue de l’esprit, mais bien un trouble organique complexe, qui touche profondément la qualité de vie.
La maladie invisible
Parce qu’aucune prise de sang ne dit clairement "voici la cause", parce qu’aucun scanner ne montre la douleur, la maladie devient invisible. Les pairs ne comprennent pas toujours, et le quotidien s’en trouve bouleversé. Heureusement, de nombreux enseignants font preuve d’une bienveillance précieuse, cherchant à adapter, à comprendre, à soutenir. Un emploi du temps aménagé, parfois partagé avec le CNED, permet d’alléger le rythme des journées. Mais cela ne signifie pas moins de travail : les cours s’accumulent, les devoirs aussi, et l’année scolaire défile sans attendre, imposant sa cadence à un corps qui peine à suivre. Ce fragile équilibre demande une organisation constante, un dialogue entre la famille, l’école et le corps médical — et beaucoup de courage.
L’entre-deux des maladies "qui ne rentrent pas dans les cases"
Le syndrome de Marshall, comme d’autres maladies auto inflammatoires, ne coche pas les cases classiques : ni tout à fait auto-immune, ni tout à fait infectieuse. Quand ces maladies rencontrent ensuite une fatigue chronique, on entre dans un no man’s land médical, où les mécanismes immunitaires, hormonaux et neurologiques semblent s’entremêler.
Pourtant, de plus en plus de recherches reconnaissent que ces syndromes partagent des points communs d’inflammation chronique, de dérèglement du système nerveux autonome, de déséquilibres hormonaux et de perturbations métaboliques. Ce n’est pas du flan. C’est une réalité biologique encore mal comprise.

Les répercussions sur la vie quotidienne
Derrière le mot “fatigue”, il y a des journées d’école écourtées, des amitiés qui se distendent, des loisirs abandonnés. Il y a des parents qui s’organisent autour de l’imprévisible, des nuits blanches à chercher des réponses, et des adolescents qui apprennent à vivre avec des limites qu’ils n’ont pas choisies. Pour un jeune malade depuis l’enfance, déjà fragilisé par les années d’incertitude, la fatigue chronique rend encore plus difficile la projection vers l’avenir. L’adolescence, période où l’on se construit, devient un parcours d’obstacles. Ne pas voir le bout du tunnel, quand le corps trahit, peut être terriblement décourageant.
Les soins et les soutiens possibles
Aujourd’hui, la prise en charge repose sur une approche pluridisciplinaire :
des séances de kinésithérapie pour la réadaptation progressive à l’effort ;
parfois une psychothérapie et/ou des soins de support pour accompagner les répercussions psychiques et sociales ;
et des approches complémentaires, comme la sophrologie, qui peuvent aider à traverser cette période, à apprivoiser les émotions et à restaurer une forme d’équilibre intérieur.
Pour les soignants, il est essentiel d’offrir à l’adolescent un espace de parole personnel, sans la présence des parents, pour lui permettre d’exprimer librement ce qu’il vit et ce qu’il ressent.
Redonner voix à l’invisible
Parler de ces maladies, c’est déjà leur donner corps. C’est rappeler que derrière chaque “cas rare”, il y a une personne, une famille, un combat quotidien pour être reconnue et entendue. Et c’est aussi un appel à la recherche, à la formation médicale, et à une société plus bienveillante envers ce qu’elle ne voit pas.
Parce qu’à force d’écoute, de patience et d’espoir, on finit toujours par entrevoir une lumière , celle d’une vie possible, autrement, mais pleinement vécue.







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